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DEUXIÈME AVENTURE.

vous dire combien je suis heureux de vous voir si dispos et si agile. Nous sommes cousins germains, vous savez. »

Chantecler ne répondit pas, soit qu’il restât défiant, soit que le plaisir de s’entendre louer par un parent qu’il avoit méconnu lui ôtât la parole. Mais pour montrer qu’il n’avoit pas peur, il entonna un brillant sonnet. « Oui, c’est assez bien chanté, » dit Renart, « mais vous souvient-il du bon Chanteclin qui vous mit au monde ? Ah ! c’est lui qu’il falloit entendre. Jamais personne de sa race n’en approchera. Il avoit, je m’en souviens, la voix si haute, si claire, qu’on l’écoutoit une lieue à la ronde, et pour prolonger les sons tout d’une haleine, il lui suffisoit d’ouvrir la bouche et de fermer les yeux. — Cousin, » fait alors Chantecler, « vous voulez apparemment railler. — Moi railler un ami, un parent aussi proche ? ah ! Chantecler, vous ne le pensez pas. La vérité c’est que je n’aime rien tant que la bonne musique, et je m’y connois. Vous chanteriez bien si vous vouliez ; clignez seulement un peu de l’œil, et commencez un de vos meilleurs airs. — Mais d’abord, » dit Chantecler, « puis-je me fier à vos paroles ? éloignez-vous un peu, si vous voulez que je chante : vous jugerez mieux, à distance, de