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SOIXANTIÈME AVENTURE.

aimé de messire Noble. En le voyant entrer, le Roi se lève et le fait asseoir près de lui. Bernart aussitôt lui demande la vie du coupable ; mais Noble, au lieu de répondre, le regarde d’un air mécontent : « Ah ! sire, » reprend Bernart, « veuillez accorder ma demande ; qui tient à ses ressentimens ne doit pas espérer de voir jamais Dieu le père. Si Jesus-Christ pardonna sa mort, n’ouvrirez-vous pas votre cœur à la clémence ? Grace ! grace pour le pécheur, s’il est réellement touché de l’amour de Dieu, comme sa confession le témoigne. Accordez sa vie à l’affection que vous avez pour moi ; je ne suis venu vous trouver que pour empêcher son supplice. Je veux le faire ordonner moine, je veux effacer ses vieux méfaits, le rendre un sujet d’édification générale. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, et dès qu’il le voit repentant, il lui accorde le salut éternel. »

Noble écoute et sent peu à peu fléchir sa résolution. Il ne voudroit pas refuser quelque chose à Bernart ; il lui remet enfin le coupable en lui laissant la liberté d’en disposer comme il l’entendra. C’est ainsi que Renart fut tiré de prison. On l’instruisit de la règle de l’ordre, on le revêtit des draps de l’abbaye, il devint moine. Quinze jours n’étoient pas écoulés, qu’il avoit vu toutes ses plaies cicatrisées,