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CINQUANTIÈME-NEUVIÈME AVENTURE.

et le lance d’une main sûre. Renart l’esquive à temps et le coup ne frappe que l’air. « Vous le voyez, sire Ysengrin, Dieu est pour mon droit, vous aviez jeté juste et pourtant vous avez donné à faux. Croyez-moi, faisons la paix, si toutefois vous tenez à votre honneur. — Je tiens à t’arracher le cœur, et je veux être moine si je n’y parviens. »

Ysengrin retourne à la charge le bâton dissimulé sous l’écu, puis tout à coup il le dresse et va frapper Renart à la tête. L’autre avoit amorti le coup en se baissant ; et profitant du moment où l’ennemi se découvre, il l’atteint de son bâton assez fortement pour lui casser le bras gauche. On les voit alors jeter leurs écus de concert, se prendre corps à corps, se déchirer à qui mieux mieux, faire jaillir le sang de leur poitrine, de leur gorge, de leurs flancs. Le combat redevient égal par la perte qu’Ysengrin a faite de son bras. Combien de passes et de tours l’un sur l’autre, avant qu’on puisse deviner qui l’emportera ! Ysengrin a pourtant les dents les plus aigues ; les ouvertures qu’il pratique dans la pelisse de son ennemi sont plus larges et plus profondes. Renart a recours au tour anglois : il serre Ysengrin en lui donnant le jambet ou croc-en-jambe qui le renverse à terre. Sautant alors sur lui, il lui brise les dents, lui crache entre les lèvres, lui arra-