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LES SERMENS DONNÉS ET DÉMENTIS.

soit si hardi de faire scandale en paroles, en contenance ou en gestes.

« Seigneurs, » dit Brichemer, « écoutez-moi, et qu’on me reprenne si je parle mal. Renart va jurer le premier qu’il n’a fait aucun tort à Ysengrin ; qu’il n’a pas été déloyal envers Tybert ; qu’il n’a pas joué de méchans tours à Tiecelin, à la Mésange, à Rooniaus, à Brun ni à Chantecler. Approchez, Renart ! »

Renart fait deux pas en avant, se met à genoux, rejette son manteau sur ses épaules, demeure quelque temps en oraison, étend la main sur les reliques et jure, par saint Germain et les autres corps saints là présens, qu’il n’a pas le moindre tort dans la querelle. Cela dit, il baise le sanctuaire et se relève.

Ysengrin, surpris et indigné de le voir ainsi mentir en présence de Dieu et des hommes, approche à son tour : « Bel ami doux, » lui dit Brichemer, « vous allez jurer que Renart a prononcé un faux serment et que le vôtre est seul vrai. — Je le jure ! » Cela fait, il baise les saints, se relève, avance un peu dans le champ, et fait une oraison fervente pour que Dieu lui laisse venger sa honte et reconquérir son honneur. Puis, après avoir baisé la terre, il prend et manie son bâton, le balance en tous sens, en tourne la courroie dans sa main droite : il humecte ses coudes, ses genoux et