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DÉBAT DE RENART ET YSENGRIN.

ordinairement le plus coupable qu’on vient à condamner. Hélas ! Dieu ne m’a pas été prodigue de faveurs : telle est ma destinée que mes meilleures actions sont devenues l’occasion de mes plus grandes infortunes. » (Ici Renart parut céder à une vive émotion ; il porta son bras à ses yeux comme pour essuyer une larme, et reprit :)

« Je le dis donc en toute sincérité, je n’ai jamais oublié ce que je devois à dame Hersent, la femme épousée de mon compère. Outrager sa commère, auroit été le fait d’un hérétique, et messire Ysengrin a toute honte bue, quand il vient publiquement m’accuser d’une pareille énormité. »

Ici messire Ysengrin ne put s’empêcher de l’interrompre : « Vraiment, c’est affaire à toi de nier des méfaits plus clairs que le jour ! Ah ! que tu sais bien chanter la messe des fous ! Ce n’est pas toi non plus qui m’avoit conseillé d’entrer dans le puits, d’où je ne devois jamais sortir ? Tu t’y trouvois, disois-tu, dans le Paradis, parmi les bois, les moissons, les eaux et les prairies ; tu vivois au milieu de tout ce qu’il étoit possible de desirer, perdreaux et gelines, saumons et truites. Je te crus pour mon malheur, j’entrai dans le seau ; à mesure que je descendois tu remontois, et quand à mi-che-