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RENART ET CHANTECLER.

regarde çà et là par intervalles, jusqu’à ce que las de veiller et de chanter, il se laisse involontairement aller au sommeil. Alors il est visité par un songe étrange ; il croit voir un objet qui de la cour s’avance vers lui, et lui cause un frisson mortel. Cet objet lui présentoit une pelisse rousse engoulée ou bordée de petites pointes blanches ; il endossoit la pelisse fort étroite d’entrée, et, ce qu’il ne comprenoit pas, il la revêtoit par le collet, si bien qu’en y entrant, il alloit donner de la tête vers la naissance de la queue. D’ailleurs, la pelisse avoit la fourrure en dehors, ce qui étoit tout à fait contre l’usage des pelisses.

Chantecler épouvanté tressaille et se réveille : « Saint-Esprit ! » dit-il en se signant, « défends mon corps de mort et de prison ! » Il saute en bas du toit et va rejoindre les poules dispersées sous les buissons de la haie. Il demande Pinte, elle arrive. « Ma chère Pinte, je te l’avoue, je suis inquiet à mon tour. — Vous voulez vous railler de nous apparemment, » répond la geline ; « vous êtes comme le chien qui crie avant que la pierre ne le touche. Voyons, que vous est-il arrivé ? — Je viens de faire un songe étrange, et vous allez m’en dire votre avis. J’ai cru voir arriver à moi je ne sais quelle chose portant une pelisse rousse, bien taillée sans trace de ciseaux.