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LE REPAS DE MORHOU.

L’autre descend, croit n’avoir qu’à le prendre : Drouineau lui échappe en sautelant çà et là. Le charretier, qui le suit pas à pas, garde l’espoir de l’atteindre ; il croit le saisir à droite, il le retrouve à gauche, ou derrière quand il avoit à l’instant même deux pas d’avance. Impatienté, il va prendre son bâton dans la voiture et revient à l’oiseau qui se met en garde, tout en ayant soin de ne pas laisser plus de cinq pas entre l’homme et lui. Pendant cette chasse, Morhou quitte le buisson, va droit à la charrette, emploie toutes les forces qui lui restent pour lever ses pieds de devant jusqu’à la grande corbeille aux jambons ; enfin il en tire un qu’il rapporte à grand peine sous le buisson. Pour Drouineau, dès qu’il le voit de retour à son premier gîte, il cesse le jeu et s’envole d’une aile rapide, peu soucieux des malédictions du charretier qui, tout en sueur, revint à son cheval, et continue sa route avant de reconnoître qu’il lui manque un de ses meilleurs jambons.

Drouineau, de son côté, ayant retrouvé son bon ami : « Dieu te sauve, Morhou ! — Ah ! Drouineau, » répond l’autre, soyez le bien venu et veuillez m’excuser si je ne me lève pas devant vous, je n’en ai pas le loisir. » Ce disant, il dévoroit son bacon. « Ne te dérange pas, cher Morhou ; mange tout à