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LA CHASSE AU RENART.

QUARANTE-SIXIÈME AVENTURE.

Comment un preux chevalier vit plusieurs fois damp Renart, et fut marri de ne pouvoir l’atteindre.



Il y eut jadis un preux et louable chevalier qui avoit fait bâtir un beau château dans la plus belle situation du monde. L’édifice s’élevoit sur une roche aigue ; le long des murs d’enceinte couroit une eau vive et profonde enfermée dans un large lit sur lequel un pont tournant étoit jeté. La rivière passoit au-dessous du tertre et fournissoit l’hôtel du Chevalier de toutes les choses qu’on achète ; puis elle alloit à quelque distance se perdre dans la mer. Une longue prairie charmoit la vue, et sur les côteaux opposés s’étendoient les vignes qui fournissoient le meilleur vin de France. Pour les bois dépendans du domaine, ils formoient un gazon de plus de cent arpens, abondamment peuplé de gibier et de sauvagine.

Un jour, le Chevalier monta son bon cheval courant, et dit qu’il vouloit aller en bois pour chercher venaison. Aussitôt, écuyers et sergens d’accoupler les chiens, et le Veneur de marcher