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L’ACTE D’ACCUSATION.

l’empêcher de se deffendre ? N’a-t-il pas des mains assez larges, des pieds assez grands, des dents assez fortes, des reins assez agiles ? Et si le digne Tybert fut pris et mutilé pendant qu’il mordoit rats et souris, en quoi cela peut-il m’atteindre ? Étois-je maire ou prévôt, pour lui faire obtenir réparation ? Et comment viendroit-on me demander ce qu’il ne seroit pas en mon pouvoir de rendre ? Pour ce qui regarde Ysengrin, en vérité je ne sais que dire. S’il prétend que j’aime sa femme, il a parfaitement raison ; mais que cela désole le jaloux, je n’en puis mais. Parle-t-on de murailles franchies, de portes rompues, de serrures forcées, de ponts brisés ? Je ne le suppose pas : quelle est donc l’occasion de la clameur levée ? Mon amie, la noble dame Hersent ne me reproche rien ; de quoi se plaint donc Ysengrin ? comment sa mauvaise humeur pourroit-elle entrainer ma perte ? Non, sire Dieu m’en préservera. Votre royauté sans doute est très-haute, mais je puis le dire en toute assurance ; je n’ai si longtemps vêcu que pour faire, envers et contre tous, acte de dévouement et de fidélité à votre endroit. J’en prends à témoin le Dieu qui ne ment pas, et saint Georges patron des preux chevaliers. Maintenant que l’âge a brisé mes forces, que ma voix est felée et que j’ai même