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LA CLAMEUR D’YSENGRIN.

vous ne devez prendre ici la défense ni de lui ni de moi. Il doit vous suffire d’écouter ma clameur, de la retenir et de faire en sorte qu’elle soit considérée ou rejetée. J’appelle Renart en justice, et quand il comparoitra, il ne me sera que trop facile de le convaincre d’outrage et de félonnie à l’égard de ma femme, de mes enfans et de moi-même. »

Il est à propos de remarquer ici que Monseigneur Noble le Roi étoit porté naturellement à ne pas laisser connoître sa cour des délits dont l’amour étoit l’occasion ou le prétexte ; tant qu’il voyoit espoir d’accommoder les querelles de ce genre, il refusoit d’en prendre gage de bataille. La clameur levée par Ysengrin lui étoit donc fort déplaisante. Il dit encore : « Connétable, pour rien au monde, je ne voudrois voir s’engager le combat entre vous et Renart le nain. Il me semble qu’on pourroit trouver un moyen de vous accommoder. — Il me semble, à moi, sire, » reprit Ysengrin, « que vous soutenez la cause de mon ennemi. Sainte Marie ! vous auriez pourtant meilleure grâce à prendre ma querelle en main, car je vous ai toujours mieux servi que Renart. Mais je le vois : si j’avois été comme lui faux, traître et déloyal, je trouverois grande faveur auprès de vous. Par mon museau ! vous me donnez regret à