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TRENTIÈME AVENTURE.

délivrer : il la saisit par les pieds demeurés en dehors, il tire au point de la blesser et de lui arracher de nouveaux cris. Pour comble d’ennui, l’excès de tant d’émotions avoit jeté dans les entrailles de la dame un certain désordre dont le malheureux Ysengrin ressentit les fâcheux effets. Un instant, il se tint à l’écart, puis réunissant ses efforts à ceux de la pauvre dolente, et jouant à qui mieux mieux des mains et des pieds, ils enlevèrent quelques pierres, élargirent un peu la voie, et dame Hersent, le dos et les genoux écorchés, fut tirée de ce maudit piége. Il lui fallut alors essuyer les reproches d’Ysengrin : « Ah ! louve abandonnée, venimeuse couleuvre, serpent infect ! Pourquoi n’avoir pas suivi le même chemin que moi ? Pourquoi ne m’avoir pas averti que je faisois fausse route ? Renart devoit vous rencontrer, vous ne sauriez le nier. — Non, sire, je ne l’essaierai pas. Renart est capable de tous les crimes, mais il n’a pas dépendu de moi de le punir comme je l’eusse voulu. Ne parlez pas de tout ce que j’ai entendu, de tout ce que j’ai souffert : l’injure ne sera pas amendée par ce que vous ou moi pourrions dire. Mais à la cour du Roi Noble on tient les plais et les assises ; on connoit de tous les cas de guerre et de querelle ; c’est là que nous devons aller, que nous de-