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SURPRISE DE DAME HERSENT.

cher, baissa la tête, jeta un cri et courut sur lui. Mais Renart ne marchoit jamais sans prévoir quelque danger ; il ne perdit pas le sens, et quand Ysengrin se croyoit sûr de le prendre, il étoit déjà loin, la queue basse et le cou tendu.

Ysengrin et dame Hersent se mettent à le poursuivre : tandis que damp Renart s’esquive par un sentier tortueux et qu’Ysengrin croit l’atteindre en se perdant dans une autre route, dame Hersent, plus attentive aux mouvemens de Renart, n’avoit pas quitté ses pistes, soit qu’elle voulût l’avertir des dangers qui le menaçoient, soit qu’elle eût à cœur de tirer vengeance elle-même de l’ancienne injure. De son côté, Renart ne se rendoit pas bien compte des véritables dispositions de la dame ; au lieu de l’attendre, il éperonna jusqu’à l’ouverture d’une voie creuse qui dépendoit de Maupertuis et qui étoit justement assez grande pour lui donner passage : mais la malheureuse Hersent, plus large des flancs et de la croupe, s’étant élancée après lui, se trouva retenue de façon à ne pouvoir avancer ni reculer d’un pas, la tête et le haut du corps engagés dans cette crevasse rocheuse. Au cri de détresse qu’elle ne put retenir, Renart ressortant du côté opposé accourut vers elle. « Ah ! c’est vous, dame Hersent, » lui dit-il d’un ton railleur, « c’est bien à vous, de venir ainsi trouver les amoureux jusques dans