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LE PARTAGE DU LION.

enlève la peau, le cuir du visage, et laisse le coupable couvert de sang. « Ysengrin, » dit-il, « n’entend rien aux partages, j’aurois dû le deviner. C’est à vous, Renart, plus habile et plus sage, à satisfaire chacun de nous. — « Sire, » répondit Renart, « vous me faites un honneur que je n’osois espérer ; mais voici ma proposition : Prenez, seigneur, ce qu’il vous plaira et nous abandonnez le reste.

— Non, non ! » dit Noble, « je ne l’entends pas ainsi : je veux que tout soit réglé par jugement, suivant l’équité, et de façon que personne n’ait droit de se plaindre. — Eh bien ! » reprit Renart, « puisque vous le voulez, mon avis est d’abord, comme Ysengrin l’avoit proposé, que le taureau soit à vous ; c’est la part du Roi, il ne peut tomber en mains plus glorieuses. La génisse est tendre, grasse et jeunette ; elle sera pour Madame la Reine. Le prince impérial votre fils a, si je ne me trompe, été nouvellement sevré, il doit avoir un an, ou peu s’en faut ; à lui doit revenir ce petit veau, tendre comme du lait. Pour nous autres, ce vilain et moi, nous irons chercher notre chevance ailleurs. »

Ces paroles répandent une satisfaction visible sur le fier visage du Roi. « Voilà, » dit-il, « qui est bien parlé : aussi personne ne réclame.