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VINGT-SEPTIÈME AVENTURE.

et sire Ysengrin lui évitèrent la moitié du chemin. « Bien venus, » leur dit-il, « vous Monseigneur, et votre compagnie ! — Moi, » répond le Roi, « je ne vous salue pas, damp Renart, et je devrois peut-être vous faire pendre aux fourches, pour nous avoir abandonnés si longtemps. — La faute n’est pas mienne, Monseigneur, » fait Renart. « Par la foi que je dois à ma femme, j’ai eu pour entremets le vilain qui gardoit le bétail, et vous comprenez que s’il vous eût aperçus, il eût mis ses bêtes à l’abri de toute attaque ; mais, grâce à Dieu, vous voyez que je reviens frais, dispos et séjourné, pendant qu’il s’en est allé rejoindre les grenouilles au fond du fossé. J’imagine que vous désiriez mon retour ; bien s’ennuie qui fait longue attente : mais quand vous saurez comment j’ai travaillé, vous m’en aimerez davantage. Écoutez-moi de point en point. »

Alors il leur raconta comment il étoit monté sur l’orme, comment il avoit sali le visage du vilain, comment le vilain effrayé avoit couru se laver au fossé, comment arrivant à petits pas il s’étoit posé sur son échine, puis l’avoit culbuté dans la mare, et mis ordre à ce qu’il n’en sortît jamais.

Le Roi l’écoutoit, et peu à peu sa colère faisoit place à l’envie de rire ; il battoit des