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RENART ET LE BACON DU VILAIN.

VINGT-QUATRIÈME AVENTURE.

Comment Renart déçut le vilain, et comment Ysengrin emporta le bacon, qu’il ne voulut partager.



C’étoit un vilain qui traversoit la plaine, pliant sous une charge de porc salé qu’il ramenoit chez lui. « Qui vous empêcheroit, bel oncle, d’arrêter ce bacon, et d’en appaiser votre faim ? Il vaut bien mieux que ma maigre et dure échine. » Ysengrin étoit de cet avis. « Tenez, oncle, laissez-moi le plaisir de vous en procurer la possession. Si vous ne l’avez, je me soumets à tout souffrir sans me plaindre. Vous aurez le bacon, et s’il vous en reste, après en avoir mangé votre saoul, nous le mettrons en vente ; il n’y a pas au monde de meilleur marchand que moi. Nous en partagerons ensuite le prix : à vous les deux tiers, à moi le troisième ; c’est la règle.

— Par saint Cler, » dit Ysengrin, « je n’ai pas de goût pour les rencontres de vilains. Hier encore, passant rapidement par un village, un d’eux me donna un coup de massue qui m’abattit tout à plat ; je ne pus me venger, et j’en ai grand honte. — Ne vous en