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VINGT-TROISIÈME AVENTURE.

de leur premiere jeunesse. Peu à peu ses yeux se troublent et viennent à se remplir de larmes. « Ah ! mon Dieu, le voilà mort ! Et qu’ai-je fait ? J’ai pu frapper mon ancien ami, mon meilleur conseiller ! maudite colère ! » Ces paroles arrivent aux mourantes oreilles de Renart, il fait un léger mouvement. « Qu’est-ce ? » dit Ysengrin, « je crois qu’il a remué : oui, ses veines battent encore, bien qu’on sente à peine sa respiration. — Oui, je vis ; » dit Renart, « mais vous avez commis un grand crime, en traitant comme votre plus grand ennemi le pauvre neveu qui vous aimoit tant. Vous êtes fort, et vous avez écrasé le foible, l’innocent privé de défense. » Ysengrin fut longtems sans répondre et comme en proie à de véritables remords pendant que son neveu reprenoit des forces et du courage.

« Tenez, » dit le premier Renart, « au lieu de me maltraiter sans raison, regardez et profitez de l’aventure qui vient s’offrir à nous. »