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VINGT-TROISIÈME AVENTURE.

Écoute ce que j’entends faire. Tu te disois mon neveu, tu faisois semblant de m’aimer comme j’avois moi-même la sottise de t’aimer ; eh bien ! je vais te loger dans une prison qui t’empêchera de tromper à l’avenir qui que ce soit au monde. Tu seras tranquille de ton côté, sans avoir besoin de dresser pièges, embuscades ou guet-apens, de sonner le beffroi, de jeter pierres ou faire jouer mangoneaux. Tu ne craindras plus la vengeance de roi, prince ou seigneur plus puissant que toi. Et cette prison, tu la connois, je suppose. »

Renart, auquel tout moyen de fuite étoit interdit, sent qu’il ne peut éviter le sort dont on le menace qu’en s’humiliant devant son redoutable ennemi. Il tombe à genoux, la queue entre les jambes, et d’un ton contrit et suppliant : « Oncle, » dit-il, « il est d’usage en cour de barons d’offrir et prendre l’amende de ce qu’on a méfait. Vous pensez que j’ai méfait, dites donc quelle amende vous exigez de moi, et Dieu aidant, je vous satisferai. — Par Dieu le père ! » répond Ysengrin, « l’amende que je demande c’est la place que je te ménage dans mon ventre. Il me prend envie d’ajouter ta chair à la mienne, de mêler mon sang avec le tien, de réunir par ce moyen les ruses de ton esprit à la générosité