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LE PARTAGE DE L’ANDOUILLE.

tuer du coup, et du coup il me délivra, si bien que j’ai, grâce à Dieu, conservé ma peau. — J’en ai vraiment de la joie, » dit Tybert. — N’est-ce pas ? J’en étois sûr : bien que vous ayiez peut-être un peu aidé à me pousser dans ce vilain piége, ce que je vous pardonne et de grand cœur. Seulement je dis, non pour vous en faire un reproche, que vous auriez pu agir un peu plus charitablement. N’en parlons plus ! »

Tybert, à ces douces paroles, répondoit mollement, en protestant de ses bonnes intentions ; et comme on sembloit disposé à l’en croire, il offrit de renouveler son hommage, tandis que Renart s’engageroit à le défendre envers et contre tous. Voilà la paix de nouveau signée, paix que l’un et l’autre entendent tenir comme à l’ordinaire.

Ils suivoient, sans trop discourir, le sentier frayé, tourmentés d’une faim à peu près égale, quand ils font rencontre d’une grande andouille abandonnée près du chemin, à l’entrée d’une terre labourée. Renart s’en saisit le premier. « J’y ai part ! » crie Tybert aussitôt. — « Assurément, reprend Renart ; si je vous en privois, que deviendroit la foi jurée ? — Eh bien, partageons et mangeons. — Non, doux ami, le lieu n’est pas assez écarté ; nous y serions mal à l’aise. Il faut l’emporter