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SEIZIÈME AVENTURE.

Disant ces mots il s’éloigne, car déjà les chiens étoient acharnés sur Renart. Averti par leurs abois, le vilain accourt qui avoit disposé le collet. Il lève sa lourde hache : qu’on juge de l’épouvante de Renart ! Jamais il n’avoit vu la mort de si près. Par bonheur, la hache tombe à faux, rouvre le piége, et Renart, délivré par celui qui devoit le tuer, prend le large, disparoît dans la forêt sans que les cris du vilain, le glapissement désespéré des chiens soient capables de lui faire tourner la tête. Vainement est-il poursuivi ; il sait leur donner le change et quand il fut délivré de ce danger extrême, il s’étend presque inanimé sur le revers d’un chemin perdu. Peu à peu la douleur des blessures dont il étoit couvert lui fait reprendre ses esprits : il s’étonne d’avoir pu si longtemps courir, et tout en léchant ses plaies, en étanchant le sang qui en sortoit, il se rappelle avec épouvante et dépit la coignée du vilain, le mauvais tour et les railleries de Tybert.