Page:Les aventures de maître Renart et d'Ysengrin son compère, trad. Paulin, 1861.djvu/113

Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
RENART, TYBERT ET LE PIÉGE.

d’être si mal en grâce auprès de vous. » Renart cependant n’étoit pas en état de chercher noise ; car il jeûnoit depuis longtemps, et il étoit harassé de fatigue. Quant à Tybert, il étoit gros et séjourné ; sous de longs grenons argentés et luisants reposoient des dents bien aiguisées ; ses ongles étoient grands, forts et effilés ; d’ailleurs, damp Renart n’aimoit pas les combats à force égale. L’air décidé de Tybert lui ayant fait changer de ton : « Écoute-moi : » lui dit-il, « je veux bien t’annoncer que j’ai entrepris contre mon compère Ysengrin une guerre sérieuse et terrible. J’ai déjà retenu plusieurs vaillants soudoyers ; si tu voulois en augmenter le nombre, tu ne t’en trouverois pas mal, car je prétends lui donner assez de besogne avant d’accepter la moindre trêve. Bien maladroit celui qui ne trouvera pas avec nous l’occasion de gagner un riche butin. »

Tybert fut charmé du tour que la conversation avoit pris. « Sire, » dit-il, « vous pouvez compter sur moi, je ne vous ferai pas défaut. J’ai de mon côté un compte à régler avec Ysengrin, et je ne désire rien tant que son dommage. » L’accord fut bientôt conclu, la foi jurée, et Tybert accepta les soudées de Renart pour une guerre dont il ignoroit la cause et qui n’étoit pas déclarée. Les voilà fai-