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SEIZIÈME AVENTURE.

son adresse et lui donner carrière : il la guettoit de l’œil, la poursuivoit, la laissoit aller et venir, la saisissoit au moment où elle y pensoit le moins, l’arrêtoit entre ses pattes et la couvroit alors de caresses, comme s’il eût craint de l’avoir un peu trop malmenée. Il venoit de prendre la pose la plus abandonnée, tour à tour allongeant les griffes et les ramenant dans leur fourreau de velours, fermant les yeux et les entrouvrant d’un air de béatitude, entonnant ce murmure particulier que notre langue ne sait nommer qu’en l’imitant assez mal, et qui semble montrer que le repos parfait du corps, de l’esprit et du cœur peut conduire à l’état le plus doux et le plus désirable. Tout à coup, le voilà tiré de son voluptueux recueillement par la visite la moins attendue. Renart est à quelques pas de lui : Tybert l’a reconnu à sa robe rousse, et se levant alors autant pour se mettre en garde que par un juste sentiment de déférence : « Sire, » dit-il, « soyez le bienvenu ! — Moi », répond brusquement Renart, « je ne te salue pas. Je te conseille même de ne pas chercher à me rencontrer, car je ne te vois jamais sans désirer que ce soit pour la dernière fois. »

Tybert ne jugea pas à propos d’essayer une justification ; il se contenta de répondre doucement : « Mon beau seigneur, je suis désolé