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PRIMAUT ET LE CORPS-SAINT.

déjà médité une trahison nouvelle. À l’entrée du plessis se trouvoit un piége de sa connaissance, formé d’une branche de chêne courbée et retenue par une clef que le moindre poids faisoit céder. C’est là qu’il conduit Primaut. Arrivés en cet endroit : « Là, » dit Renart, « repose un corps saint, celui d’un confesseur et martyr, longtemps ermite dans ce monde, et maintenant en Paradis. J’ai grande dévotion à sa tombe, et sans aller plus loin, si vous voulez jurer sur elle que vous ne me battrez plus et que vous resterez mon ami fidèle, je me tiendrai pour satisfait.

— J’y consens par sainte Agnès, » dit Primaut. Aussitôt, il s’agenouille, pose la main au-dessus du piége, et prononce ces paroles : « Au nom de saint Germain, de tous les bienheureux et de celui qui repose ici, je consens à ne pas voir la journée prochaine, si je garde rancune à Renart et si je cherche querelle à lui et aux siens. — Ainsi Dieu te soit en aide ! » répond Renart. Alors Primaut, pour se relever, pose le pied sur la branche courbée : la clef échappe, et le pied reste pris dans le piége. « Au secours ! à moi ! sire Renart, je suis pris. — Ah ! tu es pris, traître  ! c’est que tu parlois contre ta pensée ; c’est que tu étois parjure, et voilà pourquoi le saint t’aura puni. Je me garderai bien d’aller