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PRÉFACE.

enseignement pour tous que cette sorte d’exposition rétrospective de l’histoire des hommes et des choses, ayant participé à l’évolution de l’architecture en ce dernier siècle. Ce livre a donc sa moralité. Pourtant, tel qu’il paraît aujourd’hui, tel qu’il s’appuie sur les principes qui ont guidé sa publication, il est évident que cet ouvrage ne peut donner encore tout ce qu’il est appelé à contenir. Le premier pas, le plus difficile, est fait ; mais d’autres suivront qui permettront d’arriver au but définitif. C’est alors que ce livre aura toute sa haute portée, et qu’il amènera totalement à ce qui est le desideratum actuel d’un grand nombre de confrères : c’est-à-dire à la sélection. En effet, lorsque l’on trouvera dans cette espèce de livre d’or les titres de tous les architectes, titres d’études ou de pratique, ceux qui voudraient faire construire pourront ainsi avoir un guide certain de la valeur de leurs mandataires, et, graduellement, insensiblement, abandonneront les étrangers à la profession ; ils iront aux artistes dont les succès d’école ou la bonne exécution de leurs travaux leur donneront la meilleure garantie.

Et c’est ainsi que se ferait la sélection ; non pas par des arrêtés ministériels ou des décrets gouvernementaux dont la poursuite est quelque peu illusoire, non pas par des décisions de confrères, qui seraient bien embarrassés de fixer des limites équitables, mais bien par le public lui-même, qui jugerait sur des titres effectifs, et qui pourrait s’adresser à tous ceux qui feraient partie de ce régiment de l’art ; depuis les officiers, ayant déjà l’épaulette d’or, jusqu’au sergent possédant les galons, jusqu’au simple soldat qui porte dans sa giberne le bâton de maréchal ! Dans ce régiment, quelque choix qui fût fait, il serait toujours excellent.

Et alors les préfectures, les municipalités, deviendraient impardonnables si, négligeant l’espèce de vade-mecum qu’elles auraient sous la main, elles laissaient encore le caprice, les recommandations et même l’ignorance, avoir trop souvent leur influence désastreuse et coupable. Est-ce un rêve ? Peut-être ; néanmoins, il me plaît de songer ainsi ; il me plaît de penser que la nouvelle génération d’architectes n’aura plus à lutter qu’avec des confrères dignes de combat et non avec des personnages sans talent et sans mandat, étouffant sous des branchages incultes les boutons précoces ou les fleurs épanouies.

Je souhaite donc la bienvenue à la publication pour laquelle on me demande mon patronage ; je lui souhaite la bienvenue parce que j’y vois pour le passé les exemples laissés par nos devanciers ; parce que j’y vois pour le présent un réel attrait de curiosité et un intérêt indiscutable ; parce qu’enfin j’y vois pour l’avenir un moyen puissant de séparer l’ivraie du bon grain.

1894 — Charles GARNIER.