Page:Les annales politiques et littéraires, tome 60, janvier-juin 1913.djvu/464

Cette page n’a pas encore été corrigée

son menton allongé, la coupe élégante de soa visage, auraient dû la faire apprécier. Chacun la déclarait laide, et ce fut d’abord mon impression, ce ‘n’est que plus tard que, la détaitlant et l’analysant, je me rendis compte que nous étions tous injustes pour elle. Mais celle serait, tout autour de sa tête, ses beaux cheveux noirs ondulés ; elle avait le plus pitoyable teint du monde : jaune, brun, gris, verdâtre, fripé, terni, tantôt sec et friable, tantôt luisant et les pores dilatés, le teint d’une femme dont l’estomac ct les intestins foncticnnent mal, et qui, à lui tout seul, suffisait à la rendre laide. | Par contre, je connais une belle fille qui, par les traits sans valeur, la quelconque expression, la coupe un peu ordinaire du visage, mériterait de passer inaperçue ; mais, avec de beaux yeux, elle possède un teint miraculeux, un de ces teints d’Anglaise, pétris de blanc et de rose. Aussi passe-t-elle pour belle aux yeux de tous. Détaillez-la, elle ne l’est point. Scignez votre teint, grâce à lui, la plus laide peut acquérir du charme. Tous les rcètes l’ont chanté, ils ont épuisé les comparaisons :

les lis, la neige, l’ivoire, la lune,

le lait, le linge, l’hermine ; la Laure de Pétrarque est blanche comme la neige ; dans une légende irlandaise, la jeune femme a une reau « plus blanche que la neige d’une nuit ». Alain de Lille déclare : « Son front large avait la blancheur du lait et rivalisait avec le lis. » Mais, cependant, la plupart des trow badours veulent le teint « blanc taché de rose : ; Aristénète déclare, de sa Laïs : « Ses joues scnt blanches, mais mélangées d’une imitation des splendeurs de la rose. » Si mille œillets, si mille lis j’embrasse, dit Ronsard, et : Quand je vois tant de couleurs Et ‘de fleurs, Qui émaillent un rivage, Je pense voir le beau teint Qui est peint Si vermeil en son visage. Le vcût pour le teint co’oré devint si fort qu’aux< dix-septième et dix-huitième siècles, toutes Îcs femmes de Cour mettaient du rouge de façon inconsidérée. Mme de Motteville déclare qu’Anne d’Autriche eût été plus belle, si elle n’avait mis son -rouge à la mode de la Cour d’Espagne, c’est-à-dire sur toute la Joue et jusque sous les yeux. Il sembic, pcurtant, que cette façon s’imposa, plus tard, si nous en jugeons par Îes portraits des bicles sujettes de Louis XV et Louis XVI. Mais, üans la première moitié du dix-neuvième sitcle, la päleur revint à la mode, grâce aux FCIAUITIQUES. La pâleur est d’un bel usage. Jamais le visage N’est trop loin du cœur, déclare Musset. La fr$me idéale d’alors, faible, douce, triste ct quelque peu poitrinaire, ne devait évidemment pas arborer les couleurs de la santé. Aussi, dans tous les livres du temps, vovons-nous des héroïnes päles. A notre époque de sport, les beaux teints sont prists : aussi, songeons à soigner notre vISaoe, Le tranvment qui convient à l’une ne convient pas à l’autre. Avez-vous la peau grasse ? AvVe/-Vous la peau sèche ? Voilà ja grave question. {A suivre.) QUEEN MAB ( :).


De nouveaux rires approuvèrent, y compris celui du curé, qui, se tournant vers l’instituteur :

– Mon pauvre ami, il faut nous résigner à subir la loi des ténors ; nous seuls continuerons à chanter dans la région tempérée, avec nos voix blanches ou grises ; espérons que Dieu nous entendra tout de même, – puisqu’il nous a tous deux envoyés ici en pénitence, comme, autrefois, les Hébreux au bord de l’Euphrate…

– En pénitence ? clama Canivinq ; c’est peu flatteur pour nous, monsieur le curé. Et La Garde – La Garde-du-Loup, comme se permettent de l’appeler les « castagnaïres » du Vallon – est une paroisse…

– Qui ne vaut pas La Capelle-des-Bois, et tant s’en faut, n’est-ce pas, Jeantou ?

– Oh ! monsieur le curé, je suis ici depuis trop peu de temps pour en juger.

– Bon, bon ; tu as peur de te compromettre auprès des clients de Pierril… Mais La Garde est à La Capelle ce que le moulin des Anguilles est à celui de Terral ; et tu sais s’ils se ressemblent !

– Il est certain que le moulin des Anguilles, dit Jean, ne vaut pas celui de La Capelle ; et, si les deux paroisses sont aussi différentes que leurs moulins…

– Toi aussi, blanc-bec ? interrompit Panissat, tu te permets de mépriser la maison et le pays qui te donnent à vivre ?… Mais alors, braves gens de La Capelle-des-Bois, de ce merveilleux pays de genêts et de bruyères, que ne restiez-vous là-haut à manger votre pain d’avoine et vos raves ?… Car vous en êtes tous venus de ces contrées, vous, monsieur le curé, qui y avez servi longtemps, et vous, notre maître d’école, qui êtes sorti, je crois, des Aganitz, – un autre fameux causse, celui-là !…

– Hé, mon brave Panissat, fit doucement l’instituteur, nous n’avons pas demandé à venir ici ; et, comme l’a dit tout à l’heure Monsieur Reynès, on ne nous y a pas envoyés pour nous donner de l’avancement.

– Oh ! non, approuva le curé… Monseigneur, après m’avoir bien lavé la tête, – un peu contraint et forcé, j’aime à le croire, – a ajouté : « Je vous envoie curé à La Garde-du-Loup », du ton dont Dieu m’aurait dit : « Je te condamne au Purgatoire jusqu’au Jugement dernier. »

Un éclat de rira salua cette plaisanterie, et le ton comique dont elle fut lancée.

– Mais voilà ce que c’est, ajouta l’abbé Reynès, que de s’aviser de voter pour le candidat de l’opposition…

– Comment, fit Panissat, que la politique passionnait, c’est pour cela ?…

– Pour cela seulement ; et encore mes dénonciateurs n’étaient-ils pas sûrs du fait. Mais, comme je fréquentais les Estève de Peyrelève, les Delmon de la Baraque, les Terral du moulin, – les uns légitimistes, les autres philippistes, les autres républicains…

– Tous mes compliments, monsieur le curé, de n’avoir pas baisé la pantoufle au candidat du préfet, à ce piteux Roucassier, mauvais chicaneur et grippe-sou, laid comme un corbeau déplumé, et qui, parce que son père lui a laissé un nom estimé, et sa mère, bigote et usurière, quelques bas pleins d’écus, s’est cru l’étoffe d’un député et s’est fait coller l’étiquette : « Candidat de l’empereur ! » Tel maître, tel valet, c’est bien le cas de le répéter.

– Et vous, monsieur l’instituteur, hasarda Bénézet de plus en plus bégayant et bredouillant à mesure qu’il vidait son verre ; est-ce aussi pour n’avoir pas voulu voter comme il faut qu’on vous a envoyé chez nous ?

– Non pas, mon ami… Ma disgrâce me vint de mon inspecteur et eut pour cause ma façon de comprendre l’enseignement.

– Comment cela ? fit Panissat ; jamais maître d’école enseigna-t-il mieux que vous ? Il me semble que tout le monde est d’accord là-dessus…

– Mon inspecteur excepté, alors… Voici l’histoire, – une des histoires, j’en eus plusieurs. J’avais cru, sur la foi, d’ailleurs, de très beaux livres, qu’un maître d’école, après avoir appris à ses écoliers à lire, à écrire et à compter, doit leur enseigner aussi un peu de ce qu’il leur faudra pour devenir de bons ouvriers à la fabrique ou à l’atelier, de bons commerçants à la ville, à la campagne de bons cultivateurs, et partout de bons soldats, cela va de soi… Et je faisais de mon mieux dans cet esprit. Un jour d’été, en pleine fenaison, comme mes pauvres petits diables d’écoliers – il m’en restait une douzaine, tout au plus – bâillaient devant leurs livres, et même somnolaient doucement, parce qu’ils s’étaient levés trop matin pour mener paître leurs troupeaux, je leur propose d’aller donner un coup de main pour charger le foin au père Pigasse, de La Calcie, dont la femme était malade et le fils aîné au régiment… Et voilà mes bonshommes soudain éveillés et joyeux. Nous arrivons au pré, et nous nous armons de fourches et de râteaux. Le père Pigasse, ahuri, se met en colère et fait mine de lever son « agulhade » sur l’avant-garde. Mais je lui explique nos intentions : il est touché jusqu’aux larmes… À l’ouvrage ! Les plus hardis grimpent sur les deux chars, reçoivent par brassées et tassent sous leurs pieds le foin chaud et embaumé que leur tendent, les reins cambrés, leurs cama-