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LA VISITATION

Pour la fête du Saint Sacrement, les religieuses de la Visitation avaient l’habitude d’ériger, devant la porte du monastère, un autel qui servait de reposoir et où l’on donnait la bénédiction. En 1792, dans ces tristes circonstances que je signale, elles refusèrent absolument et la construction de l’autel, et les ornements, et les fleurs, et les lumières. Elles en furent quittes pour entendre, pendant plusieurs heures, les coups redoublés de pierre et de bâton que donnait à la porte la troupe de vauriens qui était à la solde de la municipalité. Bientôt les schismatiques, ne mettant plus de frein à leurs désirs, voulurent posséder le cœur de saint François de Sales ; ils firent jouer tous les ressorts et usèrent de toutes les influences ; l’évêque, la municipalité invoquèrent des ordres. Les religieuses traînèrent l’affaire en longueur jusqu’au moment de la dispersion ; alors elles le cachèrent et le sauvèrent.

Et, malgré toutes ces persécutions, il ne faudrait pas croire que la ferveur des fidèles diminuât ; quarante prêtres disaient tous les jours la messe dans l’église de Sainte-Marie de Bellecour, on y accourait en foule, et les confessionnaux y étaient assiégés. Le 29 janvier 1792, l’église, la cour, la rue étaient remplies de personnes venant vénérer le cœur de saint François. Pendant le carême qui suivit, on vint des parties les plus reculées du diocèse, et même de diocèses éloignés, pour s’y confesser et communier. Et cependant, à la porte des églises, se trouvaient souvent des bandits qui attendaient les femmes pieuses pour les flageller publiquement. Ces horribles scènes furent un prétexte pour faire fermer les églises ; celle de Sainte-Marie fut fermée le dimanche de la Passion, et transformée en magasin de guerre ; elle fut comblée de barils de vinaigre, à l’exception du sanctuaire qui fut encore réservé pour les religieuses. Les alarmes allèrent croissantes jusqu’au 10 août, le dernier jour de la royauté. Alors on décréta la vente des monastères, et on signifia aux religieuses du monastère de Sainte-Marie de Bellecour l’ordre d’en livrer les clefs le 30 septembre. Jusqu’à cette date eurent lieu des vexations sans nombre. Des hommes de la lie du peuple — étaient-ce bien des hommes ? — vinrent enlever