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LA VISITATION

dressa des constitutions, on établit un costume, un ordre nouveau était fondé. Non. En résumé, ce n’est pas très difficile d’acheter une maison et de la meubler, de faire des constitutions et d’établir des règles, de choisir la couleur d’un vêtement et d’en tailler la forme ; ce n’est pas ce qui fait un ordre religieux. Il faut l’esprit de famille et d’unité, sint unum ! Aussi la nouvelle congrégation, à laquelle, par obéissance, s’était prêtée Mme d’Auxerre, ne tarda pas, tiraillée en tous sens et brisée en morceaux, à expirer dans la division. C’est alors que Mme d’Auxerre, comprenant la volonté de Dieu, alla, baignée de larmes, se jeter aux pieds de l’archevêque de Lyon, le suppliant de vouloir bien permettre qu’on appelât à Lyon les religieuses de la Visitation d’Annecy. Mgr de Marquemont y consentit et promit même d’écrire à l’évêque de Genève, ce qu’il fit en effet dans les termes les plus pressants.

Tous les obstacles étant levés, saint François de Sales chargea la mère de Chantal d’aller faire la fondation de Lyon, et lui adjoignit les mères Favre, de Châtel, de Blonay et la sœur de Gouffier, qui s’appelait alors Marie-Elizabeth. « L’entreprise est grande, disait saint François de Sales, il faut y envoyer la crème de notre congrégation. » M. Ménard, vicaire général, vint chercher les sœurs à Annecy, et la sainte colonie arriva à Lyon le 1er février 1615. Mme d’Auxerre reçut les voyageuses avec une grande joie ; aussitôt elle se démit de son autorité, et le lendemain, jour de la Purification, elle prit, ainsi que ses deux compagnes, le saint habit des novices. Dès ce moment, dit la mère de Chantai, nous marchâmes dans le train ordinaire de nos exercices.

Mais toute difficulté n’avait pas disparu. Saint François de Sales, en établissant son institut, voulait créer des religieuses qui sortiraient de leurs couvents pour aller dans les greniers et les mansardes du pauvre. Ce projet, qui nous paraît très simple aujourd’hui, et qui fut exécuté un peu plus tard par saint Vincent de Paul, instituant les filles de la Charité, fut alors considéré comme très hardi. C’était la première fois qu’on parlait d’un ordre religieux sans clôture, et cette idée épouvanta l’archevêque de Lyon, qui n’y