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LES ANCIENS COUVENTS DE LYON

décadence, et même de leur trahison. D’après une tradition très répandue, un maître du Temple, ayant été capturé par les musulmans, n’avait été remis en liberté qu’en leur promettant d’introduire dans son ordre certaines coutumes détestables : « Et c’est depuis ce temps-là, dit un témoin du diocèse de Lyon, que les soudans ont, paraît-il, tant de bienveillance pour les Templiers, et qu’ils les aident de toutes leurs forces. »

De plus il y avait, dans les rangs inférieurs, des frères employés aux services domestiques, dont la moralité était douteuse et la grossièreté sans frein. Ils jetaient sur les autres un discrédit immérité. On dit encore en France : boire comme un Templier. Il y avait, diton, des brimades cyniques qui allaient, joci causâ, jusqu’au blasphème. Tout cela était encore aggravé, généralisé, par les récits populaires, et une fois que le peuple soupçonne, rien n’est trop raide à sa robuste crédulité ; il en vint à croire que l’ordre était en relation avec Satan.

Sans tomber dans ces exagérations, confessons que la prospérité lui fut nuisible. Saint Bernard avait dit en parlant d’eux : Imminente bello, intùs fide, foris ferro, non auro se muniant ; quatenùs armati et non ornati, hostibus metum incutiant, non provocent avaritiam. Au moment de combattre, que les chevaliers aient au-dedans la foi, au-dehors le fer, et non des ornements d’or, qu’ils cherchent à inspirer la crainte à l’ennemi et non à provoquer des rapines. Les Templiers furent en commençant fidèles à ce programme. Trente ans à peine après leur avoir donné ses instructions, saint Bernard leur reprochait déjà le luxe de leurs vêtements et de leurs armes, leur orgueil et leur avidité. Milice inquiète et indomptable, ils guerroyèrent même contre les chrétiens ; ils firent la guerre au roi de Chypre et au prince d’Antioche, détrônèrent le roi de Jérusalem Henri II et le duc de Croatie, ravagèrent la Thrace et la Grèce. Dans leurs rivalités contre les Hospitaliers, ils étaient allés jusqu’à leur lancer des flèches dans le saint Sépulcre. Ce n’était pas douteux, ils étaient devenus étrangers à l’esprit primitif de leurs statuts. Le concile œcuménique de Lyon, en 1274,