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L’ABBAYE D’AINAY

déplorable chute et répandirent l’affliction parmi tous les frères. Leur apostasie refroidit même le zèle de ceux qui, n’ayant pas encore été arrêtés, ne cessaient, malgré le péril, d’assister les martyrs dans leurs souffrances. Nous étions tous alors dans les alarmes et dans une cruelle incertitude sur ce qui arriverait aux confesseurs ; les tourments nous effrayaient peu, mais nous tremblions qu’il ne se rencontrât d’autres apostats.

« Chaque jour cependant amenait de nouvelles arrestations, et chaque jour on conduisait dans les prisons les fidèles dignes de remplacer ceux qui étaient tombés. Bientôt les cachots renfermèrent les principaux des deux Églises, ceux qui les avaient fondées et constituées par leur prudence et par leurs travaux. On se saisit aussi de quelques-uns de nos esclaves païens ; car le gouverneur avait ordonné qu’on trouvât à toute force des témoins contre nous. Ces esclaves donc, redoutant eux-mêmes les supplices auxquels on appliquait les saints, excités d’ailleurs par les démons, et à l’instigation des soldats qui avaient ordre de les y pousser, nous accusèrent de choses si monstrueuses, que nous ne saurions y penser ou les rapporter sans crime, ni croire même que jamais il se soit rencontré des hommes qui les aient commises. Ces dépositions, ayant été publiées parmi le peuple, l’animèrent, de plus en plus contre les chrétiens ; en sorte que ceux mêmes à qui la parenté avait jusque-là inspiré quelque modération donnèrent enfin libre cours à leur fureur. Ainsi s’accomplissait cette prédiction du Seigneur : Un temps viendra où, en vous livrant à la mort, on croira faire un acte agréable à Dieu.

« Le langage humain ne saurait décrire les tortures qu’on fit alors endurer aux saints, dans l’espoir de leur faire avouer les impiétés dont on nous chargeait. La haine du gouverneur, du peuple et des soldats s’attacha d’abord au diacre Sanctus, de Vienne ; à Maturus, encore néophyte, mais déjà athlète généreux ; à Attale, de Pergame, qui fut toujours la colonne et le soutien de notre Église, et à une femme esclave appelée Blandine, par laquelle il plut au Seigneur de montrer que ce qui