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LES ANCIENS COUVENTS DE LYON

mer des crimes véritables, ont osé poursuivre des délits imaginaires. Ils ont infligé des peines qu’aucune loi civile n’ordonna jamais, que les lois de la nature réprouvent toujours. Déjà plusieurs semaines se sont écoulées depuis que ces atrocités se propagent, mais les solennités de Pâques ont éclairé de nouveaux excès ; nos yeux ont vu ces scènes de licence et de rage. J’ai vu, à la porte de nos temples, l’innocence insultée par le crime, la faiblesse maltraitée par la force, et la pudeur violée par la brutalité. J’ai vu des citoyens paisibles tout à coup assaillis par une horde de brigands, et le sexe le plus intéressant et le plus faible devenir l’objet d’une persécution féroce ; nos femmes et nos filles traînées dans la boue de nos rues, publiquement fouettées et horriblement outragées… J’ai vu l’une d’entre elles baignée de pleurs, les vêtements déchirés, le corps renversé, la tête dans la fange ; des hommes de sang la traînaient, ils froissaient de leurs mains impitoyables ses membres délicats, ils l’accablaient de mauvais traitements… L’infortunée ! j’apprends qu’elle expire à cette heure, et que son dernier soupir est une prière pour ses bourreaux !… Voilà ce que j’ai vu et j’ai vu plus encore…

Suivent des reproches sanglants aux magistrats de la cité. Qu’ont-ils fait ? Après des réquisitions réitérées, la force publique arrive enfin sur le théâtre du crime ; elle arrive à l’instant où le mal est consommé, elle contemple les victimes et ne punit pas les bourreaux. Ce n’est pas assez ; on voit une sentinelle diriger son arme contre des prêtres qui se retirent en gémissant ; la garde laisse échapper des brigands qui maltraitaient une femme et arrête l’homme généreux qui la venge. Des cavaliers voient immoler une victime presque aux pieds de leurs chevaux, et ils restent immobiles. Où donc était le premier magistrat de la cité pendant cette scène d’horreur ? On prétend qu’il se promenait sur les remparts voisins de Sainte-Claire, d’où il pouvait apercevoir l’horrible tableau ; que force lui fut enfin de se montrer pour sauver les apparences, qu’arrivant au milieu de cette meute de brigands, comme un chef au milieu de sa troupe dont il est satisfait, il se contenta de leur dire : « C’est assez, mes amis, c’est assez ! » Oui, il y avait assez de cri-