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LES CHARTREUX

cuter son dessein, car la vocation religieuse n’est pas l’affaire d’un jour ; l’œuvre voulue par Dieu n’était cependant pas loin.

Sur le conseil de saint Robert de Molesmes, le futur fondateur des Cisterciens, Bruno part demandera Hugues de Châteauneuf, alors évêque de Grenoble et son ancien élève, son paternel concours à la réalisation des projets qu’il caresse. Six compagnons le suivent : Maître Landuin, qui devait succéder à Bruno comme prieur de la Chartreuse ; Étienne de Bourg et Étienne de Die, tous deux anciens chanoines réguliers de Saint-Ruf ; un prêtre nommé Hugues, et surnommé Le Chapelain, paixe que, seul d’entre eux, il avait le caractère sacerdotal ; enfin deux laïques, André et Guarin.

Hugues de Châteauneuf était un grand évêque et un saint. À vingt-sept ans, il ceignait la mitre épiscopale et Grégoire VII le sacrait de sa main. Et voici qu’une nuit il eut un songe : il vit sept étoiles radieuses qui le précédaient dans un désert, et dans le désert un temple s’élevait. Le lendemain, Bruno et ses compagnons, les sept étoiles de ce songe mystérieux ; se présentaient devant lui. Si jamais vous allez à Grenoble, visitez l’église de Saint-Hugues, juxtaposée à la Cathédrale, vous y verrez un ancien vitrail qui représente cette sainte entrevue, et vous lirez sur les traits des personnages toute la charité, toute la tendresse, qui animaient ces saints.

Le saint évêque conduisit lui-même ses hôtes religieux dans ce désert que Dieu lui avait-désigné, le désert de la Chartreuse, qui donna son nom à cet ordre naissant. Dans cette solitude, les nouveaux religieux commencèrent à mener cette vie angélique de contemplation, de travail, de prière, dont l’austérité rappela celle des thébaïdes, et dont le renom attira bientôt des disciples nombreux.

Depuis cinq années, saint Bruno était enseveli dans son désert, quand il se passa dans le monde chrétien un événement considérable, qui eut un lointain contre-coup jusque dans la solitude monastique de la Chartreuse : Urbain II, l’ancien élève de l’écolâtre de Reims, montait sur le trône pontifical ; il voulait avoir près de lui son ancien maître pour s’aider de ses conseils. Bruno dut quitter sa solitude et partir pour Rome, où il fut, pendant trois ans, la