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LES BÉNÉDICTINES

que la crainte de faire un mal et d’offenser Dieu, en parlant contre notre conscience, ne nous permet pas de faire. Hé ! qui pourrait nous le conseiller tant que nous serons dans cette disposition ? Le dire de bouche et le désavouer dans le cœur, comme le font tant d’autres, ce serait trahir nos sentiments, et pour lors se moquer véritablement de Dieu et de ceux qui nous tiennent sa place. À Dieu ne plaise que nous fassions une pareille faute ! Quoi qu’il puisse nous en coûter et de quelque manière que Votre Grandeur nous traite, nous La supplions d’être persuadée que nous ne manquerons jamais à la soumission qui Lui est due, et que nous continuerons à faire des vœux pour sa conservation, étant, avec un profond respect… »

Cette longue lettre se termine par cette note : « Madame la prieure et quarante-quatre de ses religieuses ont signé cette lettre. »

Cette justification nous donne bien des détails ; nous apprenons que Mgr de Saint-George établit la réforme, très probablement celle qui, quelques années auparavant, avait été autorisée, dans l’abbaye de Chazeaux ; que les religieuses avaient un pensionnat de jeunes filles ; que les Oratoriens, suspects à bon droit de jansénisme, comme nous le verrons plus tard, furent longtemps leurs directeurs spirituels ; que dès longtemps elles étaient suspectées elles-mêmes ; qu’enfin les reproches de l’Archevêque furent très violents.

Mais comme c’est la première fois que sur notre chemin nous rencontrons le jansénisme, dont nous aurons à parler encore, quelques éclaircissements sont ici nécessaires pour les personnes qui ne sont pas familières avec les questions théologiques.

Le jansénisme fut l’hérésie la plus subtile et la plus fourbe qui ait jamais désolé l’Église. Elle eut pour auteur Corneille Jansen, ou Jansénius, qui devint évêque d’Ypres. La liberté mal comprise en est le principe, et les rapports de la liberté et de la grâce en forment la doctrine. Après Jansénius, Duverger de Hauranne, Saint-Cyran, le grand Arnauld furent les chefs de la secte. Des différents écrits des jansénistes on tira cinq propositions qui furent condamnées : 1° Quelques commandements de Dieu sont impossibles à des justes, qui désirent et qui tâchent de les garder, selon les forces qu’ils ont