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LES BÉNÉDICTINES

Les biens de l’abbaye furent bientôt considérables ; elle posséda les plus beaux immeubles de la ville et augmenta chaque jour ses richesses, soit par les dons magnifiques qu’elle recevait, soit par les dots considérables des nouvelles religieuses qu’elle admettait, soit par les gros intérêts qu’elle retirait de l’argent prêté aux autres Chapitres, soit par les acquisitions avantageuses qu’elle faisait de leurs biens à bas prix.

L’abbaye était donc très riche, même fastueuse. Les religieuses qui voulaient y être admises devaient faire preuve d’ancienne noblesse, et l’abbesse s’intitulait pompeusement abbesse par la grâce de Dieu. En signe de pouvoir absolu, elle faisait porter sa crosse devant elle par son chapelain ; elle était dame de la Tour-du-Pin, et à ce titre elle recevait hommage des seigneurs de ce lieu. Aussi, les annales du monastère contiennent-elles les plus beaux noms de France : Lévis, Montmorency, Cossé-Brissac, d’Albon, etc. ; on y a vu même des membres des familles souveraines de Lorraine et de Savoie.

Ne nous étonnons pas si l’abbaye de Saint-Pierre devint à Lyon une formidable puissance ; elle obtint non seulement la protection du pouvoir temporel, mais encore celle du chef de L’Église. Dans les innombrables procès qu’elle soutint, elle fut toujours victorieuse. Pour mémoire, je ne cite qu’un exemple ; il est des plus curieux, et date du quatorzième siècle.

Les religieuses de l’abbaye avaient une coutume qui ne paraissait pas trop singulière alors. Elles vendaient a porte-pot, dans leur couvent même, le vin de leurs récoltes. C’était un moyen facile d’écouler les produits de leurs vignobles. Il n’y avait rien là, dans les idées d’alors, de bien surprenant. Le Chapitre de Saint-Jean en faisait autant, et autant le chapitre d’Ainay. Mais, par là même aussi, c’était une concurrence. L’official prononça une sentence par laquelle il défendit aux religieuses de Saint-Pierre de tenir cabaret, ordonna de faire les monitions canoniques afin qu’elles vinssent à résipiscence, sinon l’excommunication devait s’ensuivre. Les religieuses ne tinrent aucun compte de ce jugement. La sentence d’excommunication leur fut signifiée. Elles en appelèrent au Saint-