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fussent complètement écrasés, ou qu’il eût avoué le crime qu’il n’avait peut-être pas commis.

Quenoche. — Vous avez qu’à voir ! C’est abominable, ce que vous dites-là, monsieur Bonsens. Mais enfin on relâchait sans doute le malheureux.

Bonsens. — Oh ! pas encore ! La justice du bon vieux temps n’était pas si douce que toi, va. On soignait le malheureux qui souvent était épuisé et perdait connaissance ; et quand il était suffisamment rétabli, on recommençait la torture et l’on employait les grands moyens. On lui versait du plomb fondu goutte à goutte sur le corps ; on le suspendait par les doigts au moyen de petites cordes ; on lui entonnait dans la gorge des seaux d’eau glacée ; enfin on déployait pour le tourmenter presqu’autant de génie qu’on en met aujourd’hui à inventer des chemins de fer, des moulins, des instruments d’agriculture.

Petit Toine. — Oh ! que ça devait être beau à voir, tout ça ! Ça devait être bien plus curieux que la pendrioche.

Quenoche. — Veux-tu te taire, petit monstre. Tenez, monsieur Bonsens, vous me faites frémir. Tenez, je suis tout en nage ! Il me semble que les genoux me craquent et que j’ai du plomb dans le gosier. Auriez-vous pas un petit coup de wisky à