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est de la campagne, on va se laisser biter par les gens de la ville, par tous ces petits coureux de portes d’église qui viennent dans les tems d’élections nous embarbouiller de leurs discours. Parcequ’ils ont des chapeaux luisants comme des miroirs, des gants qui leur craquent sur les mains, des habits noirs faits par les tailleurs et qui les étouffent…

François. — Et qui souvent ne sont pas payés.

Quenoche. — Vous avez raison, monsieur François. Eh ! bien, quand ils viennent s’exhiber sur le gueulard[1] les filles sont tous ahuries, elles ouvrent des grandes bouches, écarquillent les yeux et ne voient plus que ces petites gens-là. Sapredienne, c’est leur toilette qui fait ça. Il faut montrer à ces beaux messieurs que nous les valons bien ; que nous pouvons, si ça nous plaît, nous habiller à leur façon. Vous appelez ça de l’orgueil, mamzelle Jacqueline, et moi je vous dis que c’est tout seulement une juste ambition de ne pas se laisser couper l’herbe sous les pieds par des je ne sais qui et des je ne sais quoi !

Jacqueline. — Comme tu caracoles, mon

  1. Tribune placée en dehors des églises de la campagne et d’où s’annoncent les ventes et autres objets d’un intérêt général.