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ciens qui rêvaient d’impérialisme, de revanche, qui poussaient à la surenchère des armements. Si on jugeait les gens sur leurs intentions, ceux-ci devraient passer en cour martiale avec le Kaiser.

Mais les intentions ne sont justiciables que lorsqu’elles passent à l’action. En France, en Angleterre, il y avait une opinion publique pour réfréner ces velléités guerrières. La preuve, c’est que, lorsque la catastrophe a éclaté, nos politiciens, même ceux qui « voulaient présider à la Revanche », se crurent obligés de faire tous leurs efforts pour l’empêcher d’éclater.

À part quelques manifestations à Berlin, il semble que l’opinion publique en Allemagne a accepté, sans protestations, que l’agression partît de chez elle, et que à part quelques individualités, – sur 70 millions d’habitants – chaque Allemand s’est fait le complice, passif, – quant à la volonté : actif dans l’action – des plans des bandits qu’ils avaient comme maîtres, et, les a aidés jusqu’au bout, sans murmurer.

Les social-démocrates, tous, jusqu’au dernier, ont voté les crédits de guerre en 1914. Si Liebknecht fut le premier à se rattraper, les autres continuèrent à voter ces crédits. Ce ne fut que lorsque la certitude de la victoire commença à être des plus douteuses, et que le besoin d’éviter le sort dont on avait menacé les autres se fit sentir, que, redevenant internationalistes, les social-démocrates commencèrent à parler de « conciliation », et que quelques-uns refusèrent de voter, plus longtemps, les crédits de guerre.

« Ils s’étaient crus menacés ! Leur conviction fut qu’ils participaient à une guerre de défense ! »

Tas de blagueurs ! Est-ce que, dans les Congrès internationaux antérieurs à la guerre, ils ne se sont pas toujours refusés à se prononcer pour la grève générale en cas où l’un ou l’autre des gouvernements partirait en guerre ? Est-ce qu’ils n’ont pas déclaré qu’ils étaient Allemands avant tout ?

Est-ce qu’ils ne se sont pas toujours opposés à la propagande antimilitariste ? Sauf Liebknecht qui fut le seul à la tenter, mais ne fut pas suivi.

Est-ce que nombre de leurs meneurs ne se sont pas fait les apôtres du pangermanisme le plus échevelé ? La guerre ne faisait que leur apporter l’occasion de réaliser leurs rêves de domination.

Ils votèrent les crédits de guerre, et marchèrent comme un seul homme derrière le Kaiser.

L’État-Major allemand ayant décrété que le plus sûr moyen d’écraser la France, c’était par la Belgique qu’il fallait commencer l’attaque, ses diplomates déclarèrent que les traités n’étaient que « des chiffons de papier » que l’on pouvait déchirer sans remords. Et, de cet avis, les social-démocrates allèrent trouver les socialistes belges dans l’espoir de les décider à coopérer avec les autorités allemandes qui venaient de violer la neutralité de leur pays.

Plus vite la France serait écrasée, plus vite la guerre serait finie ! C’est par humanité que, militaires, diplomates, politiciens et socialistes-internationalistes allemands approuvèrent la violation de la neutralité belge !

Ils manquent autant de tact que de psychologie. Ils ne comprirent pas que violer la neutralité belge, c’était le plus sûr moyen de lancer l’Angleterre dans la lutte ; que massacrer des femmes et des enfants, c’était surexciter la colère des combattants, renforcer leur volonté d’en finir avec une nation de sauvages.

Les premières années de la lutte, les Américains gagnaient de l’argent en prêtant aux combattants : côté France, côté Allemagne ; fournissant vivres et munitions à n’importe lequel des belligérants. Ils n’éprouvaient aucun désir d’entrer eux-mêmes dans la lutte. Quand les combattants en auraient assez, ils (les Américains), trouveraient bien le moyen de s’imposer comme arbitres.

Ce fut l’outrecuidance allemande qui les lança dans la lutte, en s’entêtant à couler leurs transports de voyageurs civils.

Les Allemands se plaignent de ne rencontrer que des haines, d’être traités durement ! Ils ne font que récolter ce qu’ils semèrent.

N’est-ce pas un de leurs chefs actuels, Scheidemann, qui, en avril 1916, s’écriait au Reichstag : « Le retour à l’ancien état de choses est simplement une impossibilité après une guerre comme celle-ci ! »

Lorsque je dis les Allemands, le peuple allemand, je parle, bien entendu, de ses maîtres, de ceux qui le menaient, parlaient et agissaient en son nom. Ce furent les pires coupables, puisque ce furent eux qui imposèrent, qui conçurent toutes ces horreurs. Malgré tout mon internationalisme, malgré tout mon désir que les peuples de toute langue, de toute couleur, de toute race se traitent mutuellement en frères, je trouve que ce serait faire œuvre de dupes de déclarer, comme le voudraient quelques-uns parmi nous, qu’il n’y a plus qu’à s’embrasser, et que chacun panse ses blessures.

Ce serait trop commode que les Allemands aient supporté que leurs maîtres fassent, pendant près d’un demi-siècle, trembler l’Europe sous la menace d’une guerre toujours à la veille d’éclater, pour la déchaîner à la fin sans aucune raison valable ; qu’ils les aient soutenus, pendant toute cette guerre, moralement et matériellement, pour venir dire ensuite que le peuple allemand n’est pas responsable.

Mais sont encore bien moins responsables ceux qui eurent à se défendre contre l’agression, qui eurent leur pays détruit, saccagé, et qui, en plus