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à Pâque, le pain azyme du souvenir, ou gérer les écoles et les hôpitaux juifs, qu’il est indispensable de proclamer l’existence d’une nationalité juive.

Il appartient aux gens clairvoyants de résoudre la question juive dans un sens favorable au progrès humain. Les nouvelles générations juives devront apprendre la langue de leur pays et l’hébreu, à l’exclusion du jargon. Les nouvelles générations non juives devront faire un pas vers le juif, regarder son âme sur le vif, et non pas à travers le prisme des calomnies ancestrales, ouvrir largement aux juifs les portes des écoles, des parlements, des offices, de toutes les carrières, les accueillir dans leurs amitiés, dans leurs groupements, dans leurs familles. Voilà qui fera davantage pour la prospérité des peuples que les atrocités antisémitiques.

Mais en attendant que de part et d’autre cet immense progrès se réalise, il faudra, pendant longtemps, hélas ! des mesures de protection internationales. Il ne suffit pas de proclamer l’égalité des juifs ; il incombe à la Société des Nations de veiller à ce que cette égalité entre dans le domaine des faits.

Pour que les gouvernements intéressés ne persévèrent pas dans leurs anciens errements, comme la Pologne l’a montré par de récents pogroms, la Roumanie, par sa résistance obstinée, les Koltchah, les Denikine et autres par les massacres organisés ou tolérés, l’intervention réitérée de la Ligue des Nations dans leurs affaires intérieures s’imposera continuellement.

D’autre part, si les Juifs, obéissant à leurs mauvais bergers, se refusent à user des possibilités de rapprochement que les circonstances leur offrent, ils ne devront s’en prendre qu’à eux-mêmes de la dureté de leur sort.

Dr L. F.


Sur le Traité de Paix

Après des mois et des mois de bavardages qu’il ne fut pas permis à la presse de divulguer au public ; après beaucoup de marchandages que, si la censure n’existait pas, je qualifierais de honteux ; après je ne sais quels maquignonnages qu’il a fallu tripatouiller pour arriver à satisfaire les appétits en présence, le public a été, enfin, admis à connaître quelles étaient les conditions de paix, que l’on allait, en son nom, imposer à l’Allemagne et quelles étaient les mesures que comptent prendre nos augures en vue d’alléger le fardeau qui va peser sur les peuples épuisés, et en vue d’assurer la Paix.

Nous ne pouvons discuter que ce que nous connaissons. Nous devons présumer, du reste, que, dans ce long défilé de clauses ce sont les plus importantes que l’on nous fait connaître[1].

Une chose est certaine, c’est que personne n’en est satisfait : les Allemands, cela va de soi, gueulent connue des putois, que c’est une paix de haine qu’on leur impose ; que c’est l’asservissement du peuple allemand que l’on cherche, que c’est la fin de l’Allemagne que l’on veut.

Dans les pays alliés, réactionnaires, chauvins, jiugos, irrédentistes, militaristes, trouvent que les conditions imposées à l’Allemagne ne sont pas, assez dures, que l’on aurait dû élargir et prolonger la durée de l’occupation, qu’il n’a pas été opéré assez d’annexions ; que tous les frais de la guerre auraient dû être payés par les Allemands.

Socialistes, syndicalistes, trouvent que ces mêmes conditions sont trop dures pour le vaincu, que l’on ne s’est pas assez inspiré des quatorze points de Wilson !

Que les Allemands ne soient pas satisfaits, cela se comprend. Avoir rêvé la conquête de l’Europe, avoir eu l’ambition de lui imposer son commerce, et de lui arracher, sous le nom d’ « indemnités de guerre », de nombreux milliards, c’est une déception cruelle d’avoir à payer soi-même, et de se voir enlever le fruit de ses extorsions antérieures au lieu d’en ajouter de nouvelles.

Selon eux, si on en croit M. le comte de Brockendorff-Rantzau, s’ils sont un peu, très peu, responsables pour le déchaînement de la guerre, les pays alliés le sont aussi, pour leur grande part. « Eux, les Allemands s’ils se sont laissé entraîner à cette guerre, c’est qu’ils avaient la conviction de se défendre !

« Est-ce que la politique d’armements des autres pays, et leur impérialisme n’étaient pas une menace à la Patrie allemande ! »

Si les diplomates et politiciens allemands, ou plutôt prussiens, puisque ce sont eux qui mènent la politique allemande, sont étonnants à ourdir des intrigues secrètes, à machiner toutes sortes de difficultés pour leurs adversaires, par contre, il faut l’avouer, ils manquent, tout aussi étonnamment, de tact, du sens des proportions et de la vérité, que de sens critique, et de psychologie.

Cette nation ne s’est constituée que par une politique continue de violence et de fraudes, s’agrandissant des extorsions exercées sur ses voisins ; et ses représentants ont le toupet de parler de l’impérialisme de leurs victimes, de leur reprocher leurs armements alors que ce sont eux qui, par leurs prétentions, et leur propre politique de menaces et d’armements, justifièrent la méfiance et les précautions de ceux qui se sentaient menacés.

Chez les Alliés, sans doute, il y avait des politi-

  1. Écrit avant la publication complète du traité.