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cette vieille fripouille de Constantin qui faisait le jeu des Allemands !

J’ai entendu dire, par quelqu’un qui était à même de savoir, qu’il fallait attribuer cette longanimité des Alliés aux agissements d’un de nos anciens ministres ! Possible que ce fut une des raisons. Les agissements de l’Italie n’y étaient-ils pour rien ?

Pourquoi, à l’armistice, n’a-t-on pas exigé le désarmement total de l’armée allemande ? Parce qu’on voulait réserver une force capable d’étouffer les revendications du vrai socialisme.

Et en Russie, sous prétexte de combattre le bolchevisme, on protège les anciens complices du tsarisme au détriment des socialistes, voire de simples républicains. C’est ainsi que des officiers de marine, français et réactionnaires, bombardèrent Odessa pour soutenir les troupes de l’hetman Sporopasky, hostile à la ville, réactionnaire et notoirement germanophile, contre celles de Petioura, républicain, et ami des Alliés !

On nous avait promis la punition des véritables auteurs de cette guerre. Dans les conditions de paix, cela se borne à la demande de mise en jugement du Kaiser, et de ceux coupables d’actes contraires aux lois et coutumes de la guerre.

Ce n’est pas suffisant. Ceux des politiciens qui, pendant presque un demi-siècle, ont tout fait pour préparer cette guerre, la rendre inévitable, ont commis le pire des crimes contre l’humanité. Ils vont rester impunis.

Même pour le Kaiser, c’est pure comédie. La Hollande n’accordera pas l’extradition ; mais on aura fait semblant de vouloir tenir ses promesses. Les loups ne se mangent pas entre eux.

Du reste, il n’y avait qu’une peine valable, pour le Kaiser et ses complices : la confiscation de leurs biens. On se garde bien de le faire ou de l’exiger. Si la révolution allemande avait été une véritable révolution, et non un camouflage du kaiserisme ç’aurait dû être un de ses premiers actes.

Si on s’est caché du public pour discuter des conditions de la paix, c’est que, d’avance, on était honteux des appétits qui allaient se trouver en présence, et des maquignonnages auxquels il faudrait se livrer pour arriver à des transactions boiteuses, dans l’impossibilité de les concilier.

D’imbéciles politiciens, en France, en Angleterre, avaient promis à leurs électeurs que les Allemands « paieraient tous les frais de la guerre » ! sans se rendre compte qu’il aurait valu autant leur promettre la lune. Il fallait jeter de la poudre aux yeux d’autres imbéciles, en vue de cacher la faillite. De là, un fouillis de clauses où une truie ne reconnaîtrait pas ses petits.

Il y avait un moyen d’atténuer la répercussion que vont avoir sur le coût de la vie les charges effroyables qui vont peser sur les peuples, c’était de balayer, pour ceux d’entre eux qui en sont affligés, les tarifs protecteurs qui n’ont qu’un seul et unique effet : rendre le coût de la vie plus cher.

Loin de là. On continue les restrictions plus que jamais. Et, en Angleterre, pays qui, jusqu’ici, avait été libre de cette tare, M. Austen Chamberlain, dans son dernier budget, vient de faire un premier pas, timide, mais c’est un commencement, dans la voie du protectionnisme, en instituant « un tarif de préférence en faveur des colonies anglaises » pour les alcools.

Quant à l’Amérique, ce champion de toutes les libertés, elle entend s’en tenir de plus en plus à la « doctrine de Monroë », c’est à dire, à la guerre des tarifs. En attendant, elle augmente son armée et sa marine de guerre.

Tel qu’il est, le traité de paix où tant de gens ont été consultés, sauf les seuls qui y étaient les plus intéressés — les peuples — est plein de chausse-trappes, capables d’occasionner une demi-douzaine de guerres, au moins, si les peuples étaient assez fous de s’attacher à en exiger la réalisation intégrale.

Heureusement, que, au-dessus de la volonté des gouvernants, il y a celle des peuples. Ceux-ci, qui ont, si passivement supporté que les premiers agissent sans les consulter, sauront-ils, le temps venu, sortir de leur passivité, pour exiger que l’on en revienne au bon sens, et à la justice ?

Osons l’espérer. Car, en dernier ressort, il y a les circonstances qui, parfois, forcent les individus à agir droit, lorsque l’intelligence ne leur en vient pas d’eux-mêmes.

Pliant sous des charges fiscales énormes, il sera impossible aux peuples de continuer à supporter les frais du militarisme. Quel que soit l’aveuglement de leurs gouvernants, il leur faudra bien trouver un moyen, moins coûteux de se protéger, et d’en finir et avec les armées et avec les armements.

De même pour les difficultés que suscitera l’exécution des clauses du présent traité, ils auront à les résoudre pacifiquement. La guerre actuelle ne les aurait-elle pas sevrés, pour toujours, du désir de guerroyer, — ce qu’il est impossible de croire — que l’impossibilité de recommencer la guerre, les forcerait d’arranger leurs différends à l’amiable.

Quelle qu’ait été leur courte vue, les diplomates alliés ont été obligés de consacrer la réparation de quelques injustices. Ce sont des semences qui, après