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Je plaigne à mon plaisir mon contraire destin.

Vous donc dieux d'icy bas, vous sainctetez feees,
Qui des amans avez les essences changees,
Si vous errez encor', aux deserts ou aux bois
Muez moi je vous prie en un soupir si tendre
Que le cœur des passans mon accent face fendre,
Me faisant pour me plaindre une eternelle vois.


LXI.



Adieu ! mais quoy ? adieu las ! vous pourrois-je dire
Un adieu sans mourir, helas je ne sçaurois !
Plustost que le vous dire, à vos pieds je mourrois,
Tant ce cruel adieu, y pensant me martyre.

Faut-il que sans le dire ores je me retire
En m'eslongnant de vous, plustost je perirois,
Et comble de regret malheureux je cherrois
La bas où l'air espais de l'oubli je respire.

Las que feray-je donc, au partir de ce lieu,
Je vous diray adieu, & sans vous dire adieu,
Je seray avec vous estant en vostre absence.

Je vous lairray mon cœur qui en vous yeux vivra,
Tenez-le, le voila, gardez-le en esperance,
Cependant que mon corps loing de vous languira.


AUTRE ADIEU.



Ayant la larme à l’œil, & le regret au cœur,
Les souspirs en la bouche, en l'ame la douleur,
Le tourment dans les os, en l'esprit la tristesse,
Je vous vien dire adieu : mais non pas pour tousjours,
Car tant que je pourray souspirer mes amours,
Vostre je demourray, vous servant, ma Deesse.