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Me montrant de mon bien la bien heureuse adresse :
Et si vous eustes onc de mes larmes pitié
Recompensez mon soin d'une mesme amitié.


COMPLAINTE.



Ainsi qu’on voit plorer la chaste tourterelle
Quand la mort a esteint la moitié de son cœur
Je veux en accusant ma fortune cruelle,
Eslongné de vos yeux souspirer ma douleur.

N’ay-je pas bien raison de faire ouir ma plainte,
Puis qu’à votre depart mon cœur s’en va de moy ?
Et que ployant au joug d’une force contrainte
Il me faut supporter mon tenebreux esmoy ?

Non non je ne sçaurois tenir en mon courage
Sans le manifester, mon regret ennuyeux,
Ains je veux tesmoignant mon desplaisant dommage
D’un pleur continuel tenir moite mes yeux.

En lieu de sang j’auray une source eternelle
D’une eau preste à monter en mon pensif cerveau,
Ou se changeant en pleurs viendra continuelle
Couler sur mon visage en un double ruisseau.

De mes venteux poumons le devoir ordinaire
Sera de soupirer, & en air me changer
Afin de plaindre mieux l’aventure contraire,
Qui las ! me veut de vous par l’absence estranger.

Est-ce pas un malheur assez fort pour contraindre
Les esprits plus felons, à distiller en pleurs,