Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et ce beau front la tablette,
Où mon destin s'escrira.
Ces cheveux seront l'accord
Du lien de l'harmonie,
Qui tient l'heure definie
De ma vie & de ma mort.
Ceste main qui dans mon cœur
Du doigt me vient toucher l'ame,
Sera le feu qui enflame
En moy ma plus saincte ardeur.
Ainsi mes douces amours,
Chauffant ma plus chaste cendre,
En vous me feront attendre
Les plus heureux de mes jours.

ELEGIE. IIII.


Mille tristes recrets occupent ma pensee,
De souspirs infinis mon ame est oppressee
Je me sens assailly d'un estrange malheur,
Je ne voy pres de moy que perte, que douleur,
Que sang, que mort, qu'horreur, que misere, que peine,
Et d'un long desespoir mon courage je gesne,
Tant que d'un noir manteau s'obscurcissent les cieux,
Mille torrens de pleurs je tire de mes yeux,
Et ne pensant qu'en vous seule je vous honore
Dés le poinct du matin jusques à l'autre aurore,
Toutesfois je peris & je n'ay languissant
Personne à qui conter le mal qui me pressant
M'outrage nuit & jour, que vous chere maistresse,
Qui cognoissez assez ma peine & ma tristesse :
Si mes pleurs ont tant peu que vous touchant au cœur
Ils vous ayent monstré de mes flammes l'ardeur,