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XLII.


Quand premier je vous vy, je n'osay entreprendre
De regarder vos yeux tant j'y vey de beauté,
Mon esprit fut surpris, & encore indomté
Ne sçavoit quel chemin pour aimer falloit prendre.

Vous le congneustes bien, lors vous me vintes tendre
Mille rets amoureux, & de vostre clarté
Reluisant en mon cœur, le fistes arresté,
Propre pour vous offrir les vœux qu'il vous veut rendre.

A l'instant tous les biens que nous donnent les Cieux
Se glisserent en moy, par les rays de vos yeux,
Et me firent heureux pour vous tenir maistresse :

Aussi tost je voulus pour vous vivre & mourir,
Et tirant mes esprits de leur morne paresse
Rechercher tout moyen de vous pouvoir servir.

XLIII.


Ceste legere main, qui comme negligente
Chet en ne rencontrant, ce soubs-ris r'adouci,
Ce petit œil larron, ce doux parler aussi,
Sont la cause du mal qui heureux me tourmente.

Ceste main prend mon ame, & ce doux ris l'enchante
Cest œil rempli d'attraits, y loge le souci,
Ce parler pousse l'air qui dans mon cœur transi
Esmeut les chauds glaçons de ma froideur ardente.

Je meurs quand ceste main me redonne la vie,
Tué par ce doux ris j'ay de revivre envie,
Et mourant par cest œil, je vy par ce parler.

Ainsi tant doucement ils forcent mon courage,
D'une amere douceur, d'un bien plain de dommage
Qu'il me plaist, pris charmé tout en soucis brusler.

XLIIII.


Amour est une rage un malheur qui attire,