Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je veux le vostre aussi, vous estes assez sage
Pour vivre sans douleur, sans crainte, sans esmoy.

Ainsi ayant deux cœurs mes forces doubleront,
Les astres & le sort ma valeur douteront,
Et me lairront conduire heureux ma destinee.

Mais gardez-les tous deux, car j'en auray assez
Si vous aymez le mien, & l'aimant vous tracez
La vie qu'en vos yeux les cieux m'ont ordonnee.

XXIX.


Mes feux sont aussi doux que ma maistresse est belle
Mes celestes desirs esgalent ses beaux yeux,
Au pris de sa douceur mon mal m'est gracieux,
Et ma douleur est grande autant qu'elle est cruelle.

Plein de felicité je me brusle pour elle,
Par ses chastes rayons je me transporte aux cieux,
Par sa rigueur j'en tombe & puis tout furieux,
Je consomme mon cœur d'une peine eternelle.

Par sa beauté je suis heureux infiniment,
Par sa fierté je suis blessé cruellement
Du bien heureux malheur, que pour elle je traine,

Ainsi en l'adorant je meurs pour sa beauté,
Mon heur double mon mal dessous sa cruauté,
Et ses yeux doux & fiers sont cause de ma peine.


XXX.



Mon cœur que tu es belle, hé ! te l'osay-je dire ?
Tu ne le sçais que trop, non tu ne le sçais pas,
Si tu cognoissois bien les amoureux appas
De ta douce beauté, tu plaindrois mon martire.

Ha ! que tes yeux sont beaux dont mon ame souspire
Les esprits dont je vy, qui causent mon trespas,
Que douce en est l'ardeur qui par mille debats
Oste de moy mon cœur, l'y remet, l'en retire.