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Mes poumons consumez d'une eternelle flame
Ne respirent cet air, qu'attendant le bon-heur,
Qui cruel m'abusant par un espoir trompeur,
D'un feu continel dedans le sang m'enflame.

Et lors que pour tromper le soin qui me tourmente,
Je vay cerchant l'objet qui à mon cœur presente,
Avec tant de malheurs l'esperance de mieux.

Celle dont obstiné la vie je respire,
Prend plaisir à ma peine & voyant que j'empire,
Fait ignorer le mal que me causent ses yeux.


STANCES.


De mille coups mortels mon ame martiree,
Se plaint sous la rigueur de la flesche aceree
qu'amour trop inhumain cache dedans mon cœur,
Et rempli de sanglos triste je ne respire
Que l'air, ou mal-heureux ma peine je souspire,
Attendant qu'un bel œil termine mon mal-heur.

Plain de soucis mordans je sens dedans mes veines
Les tourmens eternels des ennuyeuses peines
Dont l'ardeur renouvelle en mes os mon amour :
Et pleurant vers le ciel presque je me despite
Qu'il m'a fait maistre icy en si peu de merite,
Que je n'ose esperer que vous m'aymiez un jour.

Ha ! mal-heureux destin, ha toy par trop cruelle,
Qu'il faut qu'en bien aymant devot, humble, fidelle,
Je ne puisse esperer un doux semblant de mieux.
Helas ! s'il faut que vous inhumaine & contraire
N'ayez pitié de moy, ny plaignez ma misere,
Pourquoi le ciel veut-il que je brusle à vos yeux ?