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LES SOIRÉES DE MÉDAN

— Oh ! mon Dieu ! oh ! mon Dieu ! balbutiait Françoise, ils vont le tuer…

Le meunier l’attira près de lui et la prit sur ses genoux comme un enfant.

À ce moment, l’officier sortait, tandis que, derrière lui, deux hommes amenaient Dominique.

— Jamais, jamais ! criait ce dernier. Je suis prêt à mourir.

— Réfléchissez bien, reprit l’officier. Ce service que vous me refusez, un autre nous le rendra. Je vous offre la vie, je suis généreux… Il s’agit simplement de nous conduire à Montredon, à travers bois. Il doit y avoir des sentiers.

Dominique ne répondait plus.

— Alors, vous vous entêtez ?

— Tuez-moi, et finissons-en, répondit-il.

Françoise, les mains jointes, le suppliait de loin. Elle oubliait tout, elle lui aurait conseillé une lâcheté. Mais le père Merlier lui saisit les mains, pour que les Prussiens ne vissent pas son geste de femme affolée.

— Il a raison, murmura-t-il, il vaut mieux mourir.

Le peloton d’exécution était là. L’officier attendait une faiblesse de Dominique. Il comptait toujours le décider. Il y eut un silence. Au loin, on entendait de violents coups de tonnerre. Une chaleur lourde écrasait la campagne. Et ce fut dans ce silence qu’un cri retentit :

— Les Français ! Les Français !

C’étaient eux, en effet. Sur la route de Sauval, à la lisière du bois, on distinguait la ligne des pantalons rouges. Ce fut, dans le moulin, une agitation extraordinaire. Les soldats prussiens couraient, avec des