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LES SOIRÉES DE MÉDAN

— Et votre père, et vous ? reprit Dominique. Mais non, je ne puis fuir… Quand je ne serai plus là, ces soldats vous massacreront peut-être… Vous ne les connaissez pas. Ils m’ont proposé de me faire grâce, si je consentais à les guider dans la forêt de Sauval. Lorsqu’ils ne me trouveront plus, ils sont capables de tout.

La jeune fille ne s’arrêta pas à discuter. Elle répondit simplement à toutes les raisons qu’il donnait :

— Par amour pour moi, fuyez… Si vous m’aimez, Dominique, ne restez pas ici une minute de plus.

Puis, elle promit de remonter dans sa chambre. On ne saurait pas qu’elle l’avait aidé. Elle finit par le prendre dans ses bras, par l’embrasser, pour le convaincre, avec un élan de passion extraordinaire. Lui, était vaincu. Il ne posa plus qu’une question.

— Jurez-moi que votre père connaît votre démarche et qu’il me conseille la fuite ?

— C’est mon père qui m’a envoyée, répondit hardiment Françoise.

Elle mentait. Dans ce moment, elle n’avait qu’un besoin immense, le savoir en sûreté, échapper à cette abominable pensée que le soleil allait être le signal de sa mort. Quand il serait loin, tous les malheurs pouvaient fondre sur elle ; cela lui paraîtrait doux, du moment où il vivrait. L’égoïsme de sa tendresse le voulait vivant, avant toutes choses.

— C’est bien, dit Dominique, je ferai comme il vous plaira.

Alors, ils ne parlèrent plus. Dominique alla rouvrir la fenêtre. Mais, brusquement, un bruit les glaça. La porte fut ébranlée, et ils crurent qu’on l’ouvrait. Évi-