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d’où vient qu’il ne soufflait plus mot. Un sourire passa même sur les lèvres d’Édith. À une aussi brusque incartade, le malheureux cherchait évidemment quelque chose à répondre. Eh bien ! à son aise ! Il fallait lui donner le temps de trouver, à ce garçon intéressant : elle se souvenait maintenant de ses traits entrevus à la lueur de la lanterne. Un nouveau sourire ! « Ah ! , vais-je m’occuper tout le temps de lui ! » Puis, son front se rembrunit : elle était retournée en pensée à Plémoran. Elle en revint bien vite. « Que fait pourtant mon blessé ? » Et elle écouta. « Se serait-il endormi ? »

Alors, comme elle n’entendait même plus respirer Gabriel, un vague sentiment de peur… Non, pourtant ! on ne mourait pas aussi vite ! Mais il était prudent d’y voir clair. Elle ne connaissait pas cet homme, après tout ! Il y avait de ces caractères sournois et susceptibles, parmi les Bretons ! Qui sait si celui-ci ne se disposait pas à la frapper par derrière de quelque mauvais coup ? Elle avait déjà lâché les guides, saisi la lanterne, et elle en projetait la clarté dans la direction de Gabriel.

Leurs regards se croisèrent. Elle remarqua tout de suite le bouleversement de son visage.

— Qu’avez-vous donc ? s’écria-t-elle.

Gabriel détournait la tête.

— Souffririez-vous davantage de votre blessure ?

Il fit signe que non.

Toujours la lanterne à la main, Édith se rapprochait. Puis :

— C’est peut-être moi… Je vous aurai fait de la peine…

Sa voix était devenue très douce.