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lui conduirait à son tour. Il se sentait tout à fait fort ! Mais comment adresser la proposition à cette baronne, qui, sur la route, lui avait parlé comme à un domestique. Dans sa timidité, il commença par changer deux ou trois fois de position dans la paille, en s’adressant à demi-voix à lui même, un : « Allons ! je n’ai pas trop mal dormi. » Puis, il s’assit, le dos appuyé au cercueil.

Madame de Plémoran tourna la tête de son côté :

— Avez-vous besoin de quelque chose ? J’ai du pain… de la viande froide.

Gabriel Marty refusa. Il n’avait besoin de rien pour le moment. Il mangerait plus tard, quand madame mangerait elle-même.

— Ne vous occupez pas de moi, dit-elle sèchement.

Et sans s’arrêter à sa résistance, elle lui donna de ses provisions. Gabriel mangea docilement, le cœur gros. Il but encore du rhum. Puis, de ce ton obséquieux que prend un prêtre de campagne invité à la table du « château », voilà qu’il se confondait en remerciements, en excuses sur l’embarras qu’il causait. Même, l’habitude lui soufflait cette phrase : « J’appellerai sur vous, madame, toutes les bénédictions du Dieu tout-puissant. » Mais une réflexion soudaine arrêta la phrase au bord de ses lèvres, et la modifia en un simple : « Matin et soir, dans mes prières, je ne vous oublierai pas. »

Édith l’écoutait, un peu étonnée. Il s’exprimait bien, pour un simple soldat ! Il avait de la religion ; un Breton véritable ! Puis, comme la gratitude du soldat tirait en longueur, elle crut y couper court, en disant :

— Tout ça n’est rien… Vous êtes un brave garçon…

Elle venait de reprendre les guides.