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comme si ses doigts eussent égrené un chapelet. Il baisait de temps en temps avec dévotion un scapulaire et une petite médaille pendus à son cou par un cordon noir, qu’il venait de retirer de dessous sa tunique. Son képi, ôté par respect, était déposé à terre. Au sommet de sa nuque, blanchissait une large plaque ronde où la chair se voyait, les cheveux n’ayant pas repoussé : celui qui implorait ainsi des secours célestes, avait porté tonsure.

Ce fut alors qu’un lointain roulement arriva à ses oreilles. Grand Dieu ! ses supplications seraient-elles miraculeusement exaucées ? Défaillant d’espoir, il se pencha du côté d’où venait le bruit. Plus de doute : un roulement de voiture ! Déjà, distinctement, le grincement des essieux, des bruits de sabots de cheval ! Mais il n’apercevait encore rien. Pourvu, au moins, que ce fût bien sur la route au bord de laquelle il était assis ! Un moment il n’entendit plus aucun bruit ; et il trembla de tous ses membres. Si la voiture, arrivée à destination, ne devait pas aller plus loin, ou s’était détournée dans quelque chemin de traverse ! Coup sur coup, quatre ou cinq signes de croix : cette fois, de la lâcheté pure ! Que faire alors ? Appeler : mais était-ce prudent ? Des cris pouvaient effrayer celui qui conduisait, le décider à prendre une autre route. Puis, il entendit de nouveau. Le cheval avançait au trot sur la route, passerait bientôt devant lui. Si l’on allait ne pas s’arrêter, maintenant, un coup de fouet au cheval pour toute réponse aux gémissements de l’éclopé.

— Non ! je me coucherai en travers ! Que les roues, alors, me passent plutôt sur le corps !…

Et le désespoir lui donna la force de se traîner