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de l’autre côté du pesant voile noir qui lui était descendu sur les yeux, qui l’avait enveloppé d’anéantissement. Enfin, il venait de s’éveiller, seul dans le brouillard glacé, dans la nuit tombante, dans l’immensité de la campagne devenue subitement déserte et silencieuse.

Il frissonnait de froid, de peur. Une tentative pour se relever n’aboutit qu’à une douleur aigüe au pied gauche. Retombé assis sur son sac, il s’accouda de nouveau sur la borne, découragé, très faible. Dans quelques instants, si l’on ne le secourait pas, il perdrait encore connaissance. Un dernier espoir : que quelqu’un, Français ou Prussien, ami ou ennemi, passât bientôt sur la route. Et il tendait l’oreille.

Rien !

Alors, rassemblant le peu de force qui lui restait, d’une voix traînante et plaintive, il appela :

— Au secours !… Quelqu’un, de grâce ! Quelqu’un ! Au secours !…

Il se reposa un moment, recommença à plusieurs reprises ; et, entre chaque appel, il écoutait. Personne ! Un terrifiant silence ! Alors des larmes, de grosses larmes, lui envahirent les yeux, puis coulèrent silencieusement le long de ses joues d’enfant.

Tout à coup, comme si une ressource suprême à laquelle il n’avait pas encore songé, se présentait subitement à lui, ses larmes ne coulèrent plus. Et il se mit à faire le signe de la croix. Maintenant ses lèvres remuaient et murmuraient tout bas quelque chose, des prières, des prières ferventes. Mais ces prières étaient en latin.

Il pria ainsi longtemps, les mains jointes, remuant par habitude le pouce et l’index de la main droite,