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cheminée. Un placard bâillait. Le papier rouge de la chambre était croisillé d’or. Deux nudités, sur les murs, montraient des chairs blafardes au milieu d’un fouillis de draperies blanches.

— Mais entrez donc, vous autres ! cria le grand soldat aux camarades.

Ceux-ci se décidèrent. Un par un, prudemment, ils se faufilaient, s’embarrassaient parmi les meubles épars.

— Vite ! changeons de flingot, dit tout à coup le grand soldat, sans se retourner.

Un voisin lui passa son fusil. Alors il ajusta la petite brune sur la commode. Celle-ci le regardait, ne croyant pas qu’il allait tirer, mais le coup partit, et elle tomba sur un fauteuil, avec un choc mou. Les autres, le long du canapé, ne se lamentèrent pas, seulement elles se serrèrent davantage, les yeux troubles d’une résignation abrutie. À présent, il y avait bien une vingtaine de lignards échelonnés parmi le désordre.

— Où est le patron ? demanda Verdier aux femmes.

Elles ne répondirent point.

— Où est le patron ? recommença Verdier, la voix plus dure.

— Le patron ? dit une grosse blonde échevelée, toute flasque et nue dans un peignoir de gaze noire.

— Oui, le patron.

— Je ne sais pas, fit-elle, la poitrine molle, l’œil sans regard, en balançant la tête.

— Tu ne sais pas ?… Eh bien, attrape.

Il la fusilla. Des coups de feu partirent de tous côtés sur le misérable groupe, le froissèrent, le couchèrent sur le parquet, dans son coin, en un tas où